Du clapotis des criques de Malmousque à l’ombre des magnolias de la Plaine, Benjamin Marciano et Pierre Zeinstra (a.k.a La Touche Manouch’) perpétuent l’héritage d’un jazz manouche devenu creuset musical de leur complicité de longue date.
Bonjour Benjamin et Pierre, bienvenue à l’Oustalet ! Et si vous commenciez par vous présenter à nos lecteurs et auditeurs ?
Benjamin : Bonjour, je découvre la guitare à l’âge de 12 ans en apprenant les bases à l’école Hyperion à Marseille pendant 1 an. Je continue par la suite dans une autre école de musique pendant 4 ans dans un style pop / rock / picking et un peu manouche. A l’âge de 17 ans, je découvre le jazz manouche et me passionne pour ce style de musique. J’apprends en écoutant et en relevant des solos de Django Reinhardt, Romane, Angelo Debarre, Bireli Lagrène etc… A la fin du lycée j’intègre un groupe d’amis qui se réunissent tous les samedis dans un local pour travailler la musique de Django. Année après année, ce collectif d’amis mènera au groupe Basilic Swing. Ce dernier est un quintet de jazz manouche/klezmer/tzigane dont je fais partie depuis 2015. En parallèle, de 2019 à 2022 j’anime une jam session de jazz manouche au bar l’Intermédiaire sur la Plaine. Cela me permet de faire des rencontres très riches humainement et musicalement.
Pierre : Je m’appelle Pierre, j’ai 35 ans, je suis guitariste et chanteur. Je joue actuellement dans deux formations sur Marseille : Basilic swing (groupe de musique tsigane, klezmer et manouche) et La Touche Manouch’.
Vous formez depuis quelques temps le duo « La Touche Manouche » : ça a débuté comment ?
B : La Touche Manouch’ c’est avant tout une grande amitié qui est née au sein du groupe Basilic Swing. Pierre est arrivé quelques années après la création du groupe et nous avons directement ressenti une complicité. Au départ c’était du jazz manouche, une formule du groupe Basilic Swing. Année après année nous nous sommes démarqués avec toutes nos influences en musiques italiennes, mexicaines, orientales, balkaniques… Ce qui a forgé ce duo, c’est également tous ces rendez-vous à Malmousque où nous avons trouvé notre inspiration.
En décembre 2022 on décide de s’orienter vers un melting pot de ces différents styles en y intégrant la voix de Pierre. Deux guitares, du chant, des reprises de variété en les « manouchisant »… Cela fait également un peu moins d’un an que nous travaillons aussi une autre formule plutôt rumba catalane avec d’autres guitares que nous présenterons à la rentrée.
Une petite explication concernant le nom du duo ?
Ce nom de groupe met en avant un mélange de styles musicaux tournés autour du voyage. Toutes nos rencontres ont façonné ce répertoire aux sonorités manouche, latino, flamenco. Il fait référence aux guitares et à notre « patte » dans chaque morceau interprété. Nous voulions un nom simple et efficace qui soit à l’image du style de musique que nous proposons et nous avons fini par conclure que nous avions en nous La Touche Manouch’ .
Et si vous nous parliez un peu des trois morceaux que vous nous interprétez aujourd’hui ?
Le premier morceau, « Come Prima », est une chanson italienne des années 1950 reprise par de nombreux artistes et qui est devenue un succès mondial. Nous avons essayé de reprendre la structure originale du morceau avec des guitares manouches. Nous aimons particulièrement les musiques italiennes et nous avons prévu d’en reprendre encore bien d’autres.
Le deuxième morceau, « Elena’s Bossa » a été composé par Gonzalo Bergara , célèbre guitariste de jazz manouche argentin. Ce dernier se distingue par son jeu très personnel avec de magnifiques compositions notamment dans l’album Porteña Soledad. Il s’agit d’une bossa manouche avec une sonorité latine que nous aimons particulièrement.
« Les Yeux Noirs » est un très grand standard de la musique tzigane/manouche. Il a été repris par un nombre incalculable d’artistes. Il s’inscrit dans l’ADN de notre groupe, le swing manouche, la musique des gens du voyage. Nous avons essayé de faire évoluer le morceau petit à petit entre thème chanté et solos.
Le jazz manouche, comment êtes-vous tombés dedans ?
B : Un ami de lycée m’a montré ce style de musique et je lui ai demandé de m’apprendre quelques morceaux. Je me suis passionné très rapidement par cette musique en écoutant et en partageant avec plein d’autres musiciens. Je n’ai pas appris le solfège et c’est un style où il n’est pas nécessaire de passer par ce bagage musical. Il s’agit plutôt d’une transmission orale, visuelle et très émotionnelle. Puis la virtuosité dans les solos, les accords du manouche m’ont plu directement.
P : Quand j’étais minot mes parents avaient en leur possession un album des Gipsy Kings que j’écoutais en boucle dans ma chambre. C’étaient mes premiers pas vers la musique gitane mais je ne connaissais pas encore le style jazz manouche. J’ai rencontré ce style de musique assez tard, vers mes 22 ans. Un jour de beau temps, j’ai sorti ma guitare pour jouer quelques morceaux devant le parvis d’une église. C’est alors qu’un jeune garçon de 18 ans environ, habillé en survêtement d’équipe de football et ne payant pas de mine, vint à moi pour me demander s’il pouvait essayer ma guitare. Je la lui prêtai en restant sur le qui vive car son apparence ne m’inspirait pas vraiment confiance, quand soudain il se mit à jouer… j’étais sans voix et très impressionné, et c’est à cet instant que je découvris ce style de musique pour la première fois. Ce jour-là je rencontrai mon premier mentor dans le style. Par la suite j’ai partagé des moments avec des gens du voyage et j’ai pu affiner mon jeu et notamment ma façon d’accompagner.
Que souhaitez-vous transmettre à travers cette musique ?
B : Je souhaite créer des liens, transmettre une émotion et faire vivre encore longtemps cette richesse que Django et bien d’autres nous ont laissée.
P : Nous voulons transmettre un maximum d’énergie positive à notre public . Nous cherchons à jouer un maximum de morceaux différents en faisant en sorte que cela plaise à un public très large. Par exemple nous reprenons aussi bien des musiques modernes que des musiques traditionnelles.
Il paraît que Pierre chante pour la première fois dans le cadre de votre duo, qui était jusque-là instrumental. Est-ce une volonté de pouvoir aborder des morceaux différents de ceux que vous avez l’habitude de jouer ensemble ?
B : Oui, nous avons remarqué que le chant plaisait énormément, ça interpelle le public et transmet une très bonne énergie. On élargit ainsi notre répertoire vers des titres que les gens connaissent. Nous voulons que les gens s’identifient dans au moins un des morceaux que nous allons jouer en concert. De mon côté, je ne chante pas dans ce duo, ce qui me va très bien ! Mais cela laisse davantage de place à Pierre et vient équilibrer mes solos et thèmes.
P : Cela fait déjà un petit moment que je me suis mis à travailler ma voix. Depuis le décès de mon grand-père, je me suis mis à m’exercer davantage afin de chanter dans un projet. C’est une façon de lui rendre hommage. C’est en effet avec vous que j’ai décidé de me lancer au chant et d’en faire une vidéo. Chanter, au-delà de produire des notes avec son corps, c’est surtout transmettre des énergies et émotions. C’est aussi pour moi une façon de vaincre ma timidité.
Pour ce qui est de la partie instrumentale, comment répartissez-vous les rôles habituellement entre deux guitares acoustiques ?
B : Nous essayons d’arranger un maximum les morceaux : je fais la plupart des solos et Pierre tient l’accompagnement. Dans le jazz manouche il y a habituellement un soliste et un accompagnateur, c’est ce que nous faisons mais cela varie quand même selon les morceaux.
P : J’ai avant tout un rôle d’accompagnateur bien qu’il m’arrive de jouer des thèmes et des solos. Benjamin a vraiment une très bonne qualité de soliste et des capacités à apprendre très vite des solos compliqués. Comme je le disais plus haut nous sommes bel et bien complémentaires.
On finit avec la question rituelle : quels sont les trois albums que vous avez le plus écoutés récemment ?
B :
- Area 52 – Rodrigo y Gabriela
- Bleu de Lune – Zoufris Maracas
- Montagne Sainte Victoire – Belzaii
P : Oula ! Ça va surement vous surprendre , j’écoute vraiment plein de styles de musiques différents. Si je regarde mon historique, j’ai écouté le plus souvent le dernier album du rappeur marseillais SCH (Autobahn) , ensuite j’ai beaucoup écouté David Bowie (Blackstar) et enfin un album de Popa Chubby (Two Dogs) .
Merci à vous !
La Touche Manouch’
Une réponse à “Episode 15 – Benjamin Marciano & Pierre Zeinstra”
[…] étaient déjà passés chez nous pour l’épisode 15 de « Du Haut de l’Oustalet » et on les avait revus avec plaisir pour leur concert à Jazz à Grans avec le groupe Basilic […]