De ses voyages en Amérique du Sud et en Espagne, la chanteuse Laura Malet a rapporté dans ses valises un univers de chansons pleines de poésie et d’histoires à raconter. Accompagnée à la guitare par Paul Lesty, le duo nous fait parcourir les plaines argentines, l’Altiplano bolivien et la jungle colombienne au son des coplas populaires et de la música del campo.
Bonjour Laura et Paul, bienvenue à l’Oustalet ! On commence avec vos parcours personnels : d’où venez-vous, où allez-vous ?
Laura : J’ai commencé à chanter tout récemment. Enfant et adolescente, je jouais du piano classique à l’école de musique de Briançon où j’ai grandi. Puis, plus de contact avec aucun instrument de musique pendant de longues années, jusqu’à mes premiers voyages en Amérique du Sud il y a 5 ans à peine, où je découvre le plaisir de chanter et le bien-être que cela me procure. Là-bas, je commence à jouer de la guitare pour pouvoir m’accompagner et j’écris mes premières chansons. Je m’installe ensuite à Barcelone où je commence à les partager au public, en solo. C’est la naissance du projet Laura Malétas. Là-bas, je prends mes premiers cours de technique vocale, découvre l’univers fabuleux de la voix, et intègre des ateliers de chants collectifs orientés vers les folklores latino-américains. Alors enseignante de français langue étrangère, je rejoins l’IMFP (Institut Musical de Formation Professionnelle) de Salon de Provence en 2021 et tente le pari de faire de la musique à temps plein. Un monde d’une richesse insoupçonnée s’ouvre à moi. Je rencontre le guitariste Paul Lesty qui m’aide à arranger mes chansons : l’aventure Malétas s’ouvre au duo. Très vite, on invite le bassiste Florian Giraud-Heraud et le percussionniste Tommy Jégu. A quatre, les chansons voyagent dans une autre dimension. Aujourd’hui, ma principale idée est de développer ce projet, de profiter de chacune de ses formes, et de continuer d’écrire et de créer. Je chante également avec Ôdette, un quartet féminin de polyphonie vocale et percussions, chouette projet, tout frais aussi, que je prends plaisir à voir grandir.
Paul : Je suis fils de paysans, et musicien depuis tout petit. Après une courte carrière d’agronome, j’ai tout plaqué pour me consacrer entièrement à la musique en 2019. J’ai joué avec Cathy Heiting sur un projet de compositions en duo qui s’est appelé Ida y Vuelta, et partout où j’ai pu depuis lors (un projet reggae-punk, un maximum de jams jazz, des duos bossa, du blues, de la chanson…), en France mais aussi en Europe (Italie, Espagne, j’espère en Allemagne et aux Pays-Bas l’année prochaine). La rencontre avec Laura pour Malétas me valorise en tant qu’interprète et aussi arrangeur. J’aime cuisiner ses compositions et lui proposer mes univers et mes couleurs. Ce projet a vocation à grandir en quartet et plus si affinité, mais le duo est une forme que j’affectionne pour la profonde interaction qu’il offre.
On vous connaît déjà pas mal au Studio Escobette au travers du groupe Malétas, dont vous nous proposez ici une version plus intimiste. Comment s’est produite la rencontre entre vous deux ?
P : Nous nous sommes connus à l’IMFP de Salon (école de jazz) en 2022. Laura m’a proposé une résidence d’arrangements pour son répertoire Jour de Trêve, fin Octobre 2022, financée par Musiqueyras. De là, nous avons poursuivi l’aventure en trio, puis en quartet. Le duo reste une forme chaleureuse et versatile, qui s’adapte bien à la poésie des chansons de Laura et aux contextes intimistes. Pour l’Oustalet, c’était l’idéal : des chansons acoustiques, brutes et natures.
L : Il a tout dit ! Merci Musiqueyras, c’est bien vous qui avez provoqué notre rencontre !
Laura, tu chantes (exclusivement) en espagnol dans ton projet Malétas. D’où te vient cette passion pour cette langue et la musique latine ?
L : En 2016, je pars pour un voyage de 3 mois au Chili qui marquera le début d’un amour pour l’Amérique du Sud, pour la langue espagnole et les musiques latines Je reviens sur ce continent quelques mois plus tard et j’y reste un an, entre le Chili, la Bolivie, le Pérou, l’Equateur puis la Colombie. Je suis fascinée par les folklores de chaque région que je traverse, et comment la musique, la danse, le chant font partie du quotidien des gens, et alimentent leur joie de vivre et leur générosité. Lors de ce voyage qui marque le début de mon parcours musical, je rencontre plusieurs cantautores (chanteurs-auteurs) qui éveillent en moi ce goût pour les mots et pour la poésie dans cette langue. Je commence d’ailleurs à en lire, et à en écrire, puis pour certains textes, à les transformer en chansons.
Est-ce difficile d’écrire dans une langue qui n’est pas ta langue maternelle ?
L : Je me nourris tellement de musique et de chansons en espagnol que, au départ, cela m’a semblé plus naturel que difficile (même si je faisais plein d’erreurs de langue !) . En plus, en vivant en Amérique du Sud, puis en Espagne, j’étais bercée par cette langue au quotidien et je n’avais finalement que très peu de contact avec le Français. Maintenant que je vis en France, à l’heure d’écrire en espagnol, les choses se compliquent et me demandent plus de réflexion, de recherches. Du coup, je commence à écrire en français !
Qu’est-ce qui t’inspire en général, et qui ?
L : Les sentiments qui me traversent, les textes que je lis, les musiques que j’écoute, les histoires que j’entends.
Musicalement, Natalia Lafourcade, compositrice et chanteuse mexicaine est ma plus grande source d’inspiration, ainsi que Silvia Perez Cruz, Violeta Parra, Silvana Estrada, Rita Payés, Mon Laferte, Sofia Viola… Des femmes, qui jouent à merveille avec les mots et les mélodies !
Que racontent les deux chansons que vous nous jouez aujourd’hui ?
L : « El Cocuyo », c’est une histoire de résilience. C’est le mot qu’utilisent les vénézuéliens et colombiens pour appeler les lucioles. Cette chanson est née sur les rives du fleuve Guineo, dans le Putumayo colombien, où des centaines de lucioles scintillent la nuit. Elle surgit de ce constat apaisant que, malgré la tristesse, la nature continue de briller. Le refrain dit : « J’ai déjà traversé le désert entier et la peine qui reste emporte la pluie. Le héron fuchsia descend le fleuve de ton absence, quelle chance que scintille toujours le cocuyo« .
« Alfonsina y el mar » est un monument de la chanson latino-américaine. C’est un texte magnifique, qui m’a toujours fascinée, inspiré de l’histoire de Alfonsina Storni, une poète argentine, qui s’est donné la mort en se jetant dans la mer.
Quelle a été votre démarche pour passer du format quartet au duo ? Des arrangements particuliers ou c’est venu tout seul ?
P : On a choisi de venir avec nos guitares acoustiques cette fois-ci. J’ai utilisé ma première guitare : une Yamaha C40 que mes parents m’ont offerte pour commencer quand j’avais 7 ans. Une sorte de « madeleine de Proust », pour être dans l’émotion, en dehors de toute considération qualitative au niveau du son.
« El Cocuyo » a existé depuis le début, en version solo par Laura avec sa guitare. Nous l’avons arrangée en duo lors de notre résidence à Musiqueyras, avec l’idée de mêler des contrechants à la guitare lors des couplets, une rythmique cumbia dès le premier refrain et un crescendo dramatique dès le second couplet pour correspondre à l’intensité des paroles.
L : C’est ça, « El Cocuyo » naît d’abord en solo, en Colombie, puis grandit en duo de la rencontre avec Paul. Les arrangements du quartet sont issus de cette base en duo. Grâce à votre invitation, on est revenu à nos idées de base.
P : Pour « Alfonsina y el mar », l’arrangement est venu des contraintes de la mélodie qui n’est pas facile (modulation très ponctuelle sur la première phrase de chaque couplet) et d’un développement harmonique sur les renversements d’accords et la conduite des voix pour l’accompagnement. Bref, un vrai trip de zikos, pour aller chercher le lyrique et le dramatique… vive le mineur !
L : Merci Paulo !
Des projets à venir dont vous souhaitez nous faire part ?
P : Un single, puis un album début 2024 ! D’autres voyages en Espagne ou en Europe ?
L : Oui ! et en Amérique du Sud ? au pays du Cocuyo ! en duo? trio ? quartet ? ou plus ?!
On termine avec la petite question rituelle : les 3 albums que vous avez le plus écoutés ces temps-ci ?
P : Dure dure question, j’essaie d’écouter au moins 2 nouveaux albums par semaine… Disons King Krule «Space Heavy »2023, The Howard Roberts Quartet « H.R is a dirty guitar player » 1963, Guinga « Guinga e convidados » 2015 ce dernier mois.
L :
- « De todas las flores » de Natalia Lafourcade
- « Belesia » de Ignacio Maria Gomez
- « Como la piel » de Rita Payés
Laura Malet
Paul Lesty
Remerciements également à Théa Kasprac (maquillage) et Yevgine Shahinyan (coiffure) de l’école Terrade Sud-Est !
2 réponses à “Episode 16 – Laura Malet & Paul Lesty”
Magnifique 🤩👏👏
En effet !